Aide-toi, la machine t’aidera

Vous avez 6 ans, vous vous tenez devant le sapin de Noël, il est 22h, encore chaudement blotti(e) dans votre manteau d’hiver, vos pieds sont engourdis par le froid qui émanait du sol de l’église, située au centre du village dans lequel vous retrouvez votre famille tous les ans avec vos parents et cousins. Vous avez faim mais pour rien au monde, vous ne perdriez du temps à passer à table. Vous avez envie d’aller aux toilettes mais pour rien au monde vous ne perdriez trois précieuses minutes pour ça. Vous avez sommeil mais pour rien au monde vous n’iriez vous coucher parce que vous avez trop attendu de les voir, de les sentir, de les toucher et de les ouvrir, ceux dont vous avez fait la liste, le soir dans votre lit avec votre maman, les yeux pleins d’étoiles, ou la journée avec vos camarades de classe, ces cadeaux qui ont été miraculeusement déposés au pied du sapin de Noël pendant la messe-de-minuit-de-vingt-heures. Vous êtes dans le feu de la promesse: sera-t-elle tenue, déçue ou surprise ? Vous êtes devant votre sapin de Noël comme des tech enthusiasts devant l’IA.

Vous êtes dans la promesse, et ce depuis des semaines, la promesse d’une forme de… glandage. Rien à voir avec la récolte des glands mais bien de paresse, de flemme, de fainéantise ! Dans votre lit douillet, vous avez compris qu’il suffisait d’un cercle dans un catalogue de jouets pour être livré quelques semaines plus tard, et mieux qu’au pied de l’immeuble, au pied du sapin. Commander des jouets depuis son lit, entrer quelques prompts dans un LLM, effectuer quelques paramétrages dans une campagne marketing - AI powered -, donner des instructions au pilote automatique d’un Airbus sont autant de tâches qui portent en elles la promesse…que vous n’aurez rien à faire, ou si peu et que quelqu’un ou quelque chose se chargera du boulot. Que ce soit le père Noël ou une intelligence artificielle, il y a, chez ceux qui y font appel, le même plaisir de déléguer, et d’outsourcer une tâche à un autre. Même Benedict Evans le dit : “ChatGPT is an intern that can write a first draft, or a hundred first drafts, but you’ll have to check it.” (Notez la comparaison flatteuse entre chatGPT et le stagiaire que vous avez tous été un jour). En ce soir de Noël, une promesse est tenue, vous n’avez rien eu à faire : vos cadeaux sont passés directement du catalogue de jouets au sapin de Noël. L’opération relève de la magie. Et elle a réveillé votre appétence pour l’asservissement de tiers, machines ou humains, petit dictateur que vous êtes.

Toujours dans votre lit, vous avez bien évidemment coché toutes les cases du catalogue de jouets que votre mère vous a tendu il y a trois semaines. Vos parents ont peut-être oublié de vous dire que cocher n’est pas obtenir, qu’il y a des règles, des seuils et des plafonds, que l’abondance n’est pas vraiment possible, que le désir a ses limites, vérité du monde adulte, qu’ils voudraient vous dissimuler. Et patatra, les cadeaux sous le sapin ne correspondent pas à votre liste, il y en a beaucoup moins ! Y a-t-il a du over promise - under deliver dans cette histoire de Noël, comme dans celle de l’IA ? A force de vanter les mérites d’une IA toute puissante, on peut créer des attentes irréalistes. Dans le monde du marketing digital, la fausse promesse la plus répandue serait celle de l’obtention de résultats immédiats à travers leur “prédiction”. Sauf que l’IA (le machine learning en particulier) ne prédit pas le futur, encore moins immédiatement, mais elle répète le passé et pour répéter le passé, il faut d’abord qu’elle l’ingère, qu’elle l’apprenne et qu’elle tente de le reproduire et que tout ça prend du temps et coûte de l’argent. Vous étiez dans l’illusion de la promesse de la flemme et en plus vous pensiez qu’elle était gratuite, qu’elle donnait des résultats immédiats et maintenant vous réalisez qu’elle a un coût (qui viendra grever le budget de vos parents) et qu’il y a un temps de livraison à respecter, bref qu’il y a des contraintes. Promesse non tenue pour le soir de Noël !

Vous avez mal défini vos paramètres, votre prompt, parce que vous avez mal coché la case dans le catalogue, et votre grand-père s’est trompé chez Jouéclub. Il y avait une tête de gondole, moins chère, plus rapide, la barbe, ça fera bien l’affaire. Le jeu n’est pas très adapté à votre âge. Et pourtant ça correspond grosso modo à votre objectif, mais vous l’avez défini trop vite, dans la précipitation. Mauvais input, mauvais output, garbage in, garbage out. Vous prenez conscience de votre responsabilité dans l’exercice du choix des cadeaux et, en ça, vous devenez adulte et moins dictatorial. Et non, l’IA ce n’est pas la promesse d’un outsourcing garanti, gratuit et de qualité en sus. Faire appel à l’IA est d’une certaine manière plus exigeant que de faire la chose soi-même, parce que vous devez définir votre besoin, votre désir, et définir son désir, c’est se connaître soi-même et se connaître soi-même c’est sacrément difficile. Vous souriez à votre grand-père malgré la déception. Vous réalisez que les gains de l’opération père Noël sont marginaux, vous commencez à prendre conscience que soit vous promptez mieux votre grand-père, soit vous faites le taf vous-même. Sauf que vous n’avez ni voiture, ni argent de poche, ni compte Amazon. Vous décidez que pour le Noël suivant vous prompterez mieux vos aïeux, dans une démarche de progrès incrémental.

Heureusement, ce Noël ne sera pas gâché car il y a une bonne surprise : vous ne savez pas ce que vous ne savez pas mais l’IA le sait pour vous, en tous cas elle estime la probabilité de vous faire plaisir. Parce que vous avez donné plein d’idées à vos parents sur ce qui vous ferait plaisir (des playmobiles avion, un avion à peindre, une casquette de pilote de ligne), vous les avez aidés à déterminer ce qui vous plaît vraiment (les avions!) grâce à leur excellent sens de la déduction. La bonne surprise ? Vos parents vous offrent un vol d’essai sur un biplace au printemps prochain! Et ça ne figurait pas dans le catalogue de jouets. Avec l’IA, plus vous alimentez les algorithmes de bons objectifs et de bons indicateurs de ce qui correspond à vos performances, désirs, objectifs espérés, plus vous aidez la machine à vous rendre service, et à trouver des pépites, auxquelles vous n’auriez jamais pensé. En somme, on pourrait dire: aide-toi, la machine t’aidera. Un bon Noël est un Noël co-créé. Une bonne mise en oeuvre d’IA, c’est d’abord un bon partenariat humain - machine. Même les Spice Girls le disent : “If you wanna be my lover, you have got to give, Taking is too easy, but that's the way it is”.

Résultats : vous aimiez beaucoup la promesse de Noël et de l’IA, mais vous avez recalibré vos attentes, le père Noël ne peut pas tout, tout père Noël qu’il est. Vous avez appris la leçon, la définition d’un objectif est largement plus importante que les moyens de l’obtenir et parce que vous avez défini un objectif clair et illustré de nombreux exemples, vous avez donné suffisamment de billes au père Noël pour apprendre à vous connaître, improviser et vous dénicher de bonnes surprises.

Vous avez finalement ouvert vos cadeaux, et vous vous êtes mis à table. Vous regardez les adultes autour de la table et les plus jeunes qui piquent du nez devant leur part de bûche. Vous êtes à la croisée du monde des adultes et de celui des enfants, à l’orée de vos 7 ans. Noël, comme l’intelligence artificielle, vous évoquent le génie de deux phénomènes marketing finalement assez proches l’un de l’autre: la combinaison d’une promesse (pas toujours tenue mais qu’importe), d’une réalité de résultats (tant qu’on prend la peine de les définir), et d’une forme d’illusion (tant qu’on y consent).

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Très belle semaine à tous !

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— l’équipe millefeuille.ai